Dois-je publier à compte d’auteur ? Les pièges de l’édition. Le récit et la disparition de la hyène.

Si tu es un lecteur attentif, et que tu me suis depuis des années, avant de publier mon premier roman (officiel), j’ai publié un roman dans une toute petite maison d’édition et publié un e-book en financement participatif. Et pour t’épargner de l’argent, de l’espoir et les désillusions, je vais te donner mon point de vue sur l’édition, l’auto-édition à travers mon expérience.

Ma plus grande désillusion littéraire restera sans doute l’édition au format numérique de La Hyène sur bookly.fr

Pendant des semaines j’ai sollicité mes proches, fait campagne, appris et appliqué les règles élémentaires du crowdfunding ou financement participatif afin de publier la version numérique du roman. Après 3 mois, la somme (5000€) est rassemblée et l’équipe de bookly.fr (ne cherche pas, ils ont disparu) retravaille avec moi très sommairement le roman. La Hyène est disponible sur toutes les plateformes. Le bilan de 3 ans d’exploitation est désastreux : moins de 40 copies vendues. On passe alors à la deuxième phase du projet qui est de rassembler 15000€ pour l’édition papier. Echaudés par les premiers résultats des ventes numériques, les gens se montrent plus frileux et je ne rassemble pas l’argent. A ma connaissance, seul un roman parviendra à être édité en papier, un roman de Lucie Brasseur qui est aujourd’hui à la tête d’une petite maison d’édition originale, Yakabooks.com. En 2017, tous les investisseurs reçoivent un mail lapidaire, la maison d’édition met la clé sous la porte. C’est un échec tonitruant.

Quelques années, plus tôt, après avoir terminé mon premier manuscrit, ne connaissant rien au monde de l’édition, je l’envoie par la poste à tout ce que je trouve sur Google. Après de longs mois de silence, des refus qui ne se disent pas, je reçois une réponse positive et enthousiaste d’un éditeur que je n’avais jamais vu en librairie, mais qu’importe. Il fait beau, il fait chaud, je suis assis dans un parc de Bruxelles, j’attends quelqu’un afin de célébrer et je lis encore le contrat (ils sont tellement enthousiastes que le contrat est déjà là, sans contact préalable) et puis je découvre (mon cerveau avait fait une occlusion de cette partie du contrat, trop heureux d’être enfin adoubé) des chiffres : ce sera 3000 €. Je lis, relis, les papillons se posent sur les feuilles du contrat éparpillées au sol. Cela parait si beau. Je suis prêt à payer, ils aiment le roman, sont prêts à le publier, je touche du doigt le fameux rêve.

Et alors ? Ces deux maisons d’édition exploitaient le même filon, l’auteur enthousiaste et désespéré, qui peut très bien être un être humain rationnel et réfléchi, est généralement prêt à tout pour se faire publier. Prêt à n’importe quel sacrifice. Parce qu’après s’être investi corps et âme, avoir laissé des morceaux de soi à chaque page, jamais rien de si personnel et entier n’a sans doute été créé auparavant, l’ignorance et le refus sont juste intolérables. La frustration est le pire des moteurs. On serait prêt à payer n’importe qui pour dire du bien de notre manuscrit, voir notre roman imprimé, disposé dans les librairies.

Refusez de payer quoi que ce soit, refusez le compte d’auteur Parce que vous paierez sans qu’il y ait un véritable travail d’éditeur derrière, vous paierez juste parce que le désespoir vous fait penser que c’est votre dernier, votre seul, recours afin d’être publié. Mais vous financez une arnaque légale. Votre roman ne sera pas distribué, à peine imprimé et vous serez ligoté par un contrat honteux. Ces gens sont des vautours qui se jettent sur les auteurs refoulés à l’entrée des éditeurs établis. Comme les croque-morts s’installent en face des hopitaux miteux.

Privilégiez alors le livre auto-édité Si vraiment personne ne veut publier votre manuscrit à compte d’éditeur, ou si vous n’avez pas l’intention de leur laisser droit de vie ou de mort sur votre art, choisissez de le publier vous-même, pas besoin d’intermédiaire dans ce cas. Travaillez le texte, peaufinez le, corrigez et puis choisissez le format et la couvreture qui vous plait. Vous gérez ensuite les impressions, le tarif, votre marge, la distribution, le dépôt légal, vous gérez tout.

Pourquoi choisir l’auto-publication ? Il faut d’abord savoir quelle vie vous souhaitez à votre manuscrit. Si vous rencontrez un certain succès, peut-être que les contrats d’éditeur (à 10%) vous paraissent scandaleux et vous vous sentez capable de tout gérer, si l’argent est un de vos moteurs, vous pourriez être tenté de passer à l’auto-édition. Si vous voulez connaitre le succès et la gloire, sachez que ce n’est pas le chemin le plus aisé mais à l’impossible nul n’est tenu. Il faut être honnête, la plupart des publications auto-éditées sont d’un niveau médiocre et si votre mansucrit a été refusé plusieurs fois, c’est peut-être (mais peut-être seulement), à cause de ses qualités littéraires.

J’ai toujours refusé le compte d’auteur évidemment (on n’a rien célébré dans ce parc bruxellois, je me suis retrouvé, désabusé, à espérer des jours meilleurs) mais je l’ai abandonné aux papillons. Mais j’ai également refusé l’auto-édition, parce que ce n’est pas ce que je voulais pour ce que j’écrivais. Mais j’étais désespéré, comme tous ceux qui ont subi les refus répétés, de me faire publier. Pour mon premier roman, Trois ombres au soleil, j’ai attendu plus d’un an et demi et une cinquantaine d’éditeurs, avant de le publier. C’était chez Chloé des Lys, un tout petit éditeur belge, près de Tournai. On ne me prommettait pas une présence en librairie, ni un travail de relecture acharné mais on se chargeait des dispositions légales, de l’impression, j’avais 24 ans et ça me suffisait. Tous les exemplaires que j’ai vendus, près de 800, je les ai vendus moi-mêmes, aux proches et lors de tous les salons auxquels j’ai pu participer. Un salon c’est se poser un dimanche froid en essayant d’attirer les quelques chalands qui s’égarent jusqu’à nous et tenter de leur vendre notre camelotte. Après plusieurs événements, on avait fini par créer une communauté avec les mêmes auteurs qu’on rencontrait à chaque fois. On ne vendait pas grand chose mais on avait créé entre nous quelque chose de chaleureux et ça peut paraitre anodin mais ça ne l’est pas tellement quand on se retrouve si souvent seul et livré à soi-même quand on écrit, publie et vend son roman.

Mais je crois, j’ai toujours cru, en l’édition de mes ouvrages par la voie classique. Publier un premier roman dans le circuit officiel m’a permis de décrocher une bourse de résidence d’auteur en juin 2013. En février 2015, Quand les ânes de la colline sont devenus barbus, était publié (chez un éditeur belge, le seul auquel j’avais envoyé le manuscrit) lors de la Foire du Livre de Bruxelles avec un entretien public le samedi matin. Le roman a été vendu et distribué partout dans les librairies de Wallonie. Le livre a reçu deux prix, dont un du prestigieux Festival du premier de Chambéry, à l’occasion duquel j’ai été invité pendant trois jours somptueux. Je t’expliquais tout ça ici.

Je crois, malgré tous les ratés qu’ils peuvent connaitre, à l’expertise du monde de l’édition. Je crois, pour moi, comme pour les autres, qu’un manuscrit refusé l’est pour des raisons littéraires (même s’ils sont à peine lus, à peine effleurés par les grands éditeurs parisiens). Evidemment c’est compliqué de reprendre et corriger un texte sur lequel on a déjà tant travaillé, sans direction, sans avis extérieur mais le meilleur de nos manuscrits est toujours à venir. Je crois aussi qu’il y a assez d’éditeurs établis, de toutes les tailles, pour proposer notre manuscrit à ceux qui nous correspondent le mieux et certains, de plus en plus nombreux, adoptant une nouvelle déontologie, renvoient une note de lecture avec les raisons de leur refus. Cela peut servir de base à un travail de réécriture.

Bien sûr, ce n’est pas la panacée. Des dizaines d’éditeurs ont refusé Harry Potter, un livre auto-édité a fait partie des finalistes du dernier prix Renaudot, vous lirez les histoires les plus folles sur l’édition. La plus folle et scandaleuse est sans doute celle du droit d’auteur, qu’il ne touche que 10% sur un produit qu’il conçoit, pense et réalise de A à Z.

Le monde de l’édition est fait de méandres. Chacun peut tracer sa voie. Mais surtout ne pas se laisser croire qu’un manuscrit puisse jamais être totalement terminé. Je te laisse cher mon lecteur, le temps presse.

Je n’ai qu’une seule vie et la littérature est éternelle.

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