Editeur, publie-moi un roman
Je suis là, devant toi éditeur. Je ne veux rien. Oh, presque rien. J’ai trois romans. Pas terribles. Mais on s’en fout. Il faut les publier. je ne veux presque rien. Je n’ai pas d’ambition. Juste des envies de pauvre. Boire des cocktails avec Brett Easton Ellis, aller couper la tête de Michel Houellebecq après avoir bu une Guiness, mater les décolletés de Tatiana de Rosnay ou se foutre des chapeaux bizarres de Nothomb avec Beigbeder. Je veux finir à poil dans les salons du Martinez pendant la quinzaine de Cannes. Je veux me saouler à la table des vieux du Goncourt. Pratiquement rien. Je serai connu. Mes livres ne sont pas très bons. Ils se vendront. Il y a toujours un peu de cul, parfois gonzo, il y a parfois un peu d’histoire de flingue, c’est branché, assez, mais pas trop. Vous aimerez : je vendrai. Je serai connu, je vendrai. D’ici là, qu’est-ce que je dois faire ? Je fais tout. Vous, n’avez presque rien à faire. Juste du fric sur mon dos. Me signer un contrat. Et imprimer 5000 fois trois romans. Et puis ça c’est même pas votre boulot, on n’est pas bien là ? C’est tranquille. C’est très tranquille. Je fais tout. Qu’est-ce que vous voulez ? Dépêchez-vous de demander, Eloïse d’Ormesson est prête à me publier, en échange : elle m’a déjà demandé de soulager son père. J’hésite encore. Pour vous, ça sera quoi ?
la supplique
Il y a l’aigreur. Viscérale et nocive. De l’auteur. D’un auteur. C’est comme ça qu’il aimerait qu’on l’appelle. Il écrit. Il écrit. Il écrit. Mais pour qui ? Il y a trois romans qui peuvent être publiés sur le champ. Bien sûr ils peuvent être critiqués, ils peuvent être corrigés, ils peuvent êtres re-travaillés, ils peuvent être discutés, découpés, mal-aimés, détestés, aidés, refondés… Mais il y a ce mépris, là, de loin, de Paris, de près, de Bruxelles, de Liège. Il y a ces silences. Il y a ces lettres neutres. « Il faut des contacts, il faut des pistons, il faut être connu, il faut avoir de l’argent, il faut être médiatique,… » disent les hirondelles qui reviennent du printemps arabe. Alors il se mutliplie, il croit tout, il se dévoue à son destin, il y croit, il s’abandonne et bientôt il sombre, on ne voit plus que les centaines de pages de ses manuscrits abandonnées aux vents du Nord.
Sa mère dira, en lançant une fleur sur les romans flottant à la surface de la mer : « on ne devient pas auteur, on nait auteur. Il est né auteur. Mais personne ne le lui a jamais dit. Il y croyait. Mais il disait qu’il était le seul. Editeurs, vous avez abandonné mon fils. »
le romantique
T’aimes pas mon roman ? T’aimes pas mon roman ? Mais j’ai pas besoin de ton avis, j’ai même pas besoin de toi pour me publier. Je fonctionne par auto-édition. J’ai besoin de personne. Surtout pas qu’un éditeur asservi aux dictats de la culture populiste et débilitante traite mon roman de tas « de clichés, où le lecteur s’ennuie, perdu dans cette écriture facile. » Je me torche le cul de ton papier. Je sais que mon roman il a un public quelque part. Je le trouverai sans toi, couard ! Etouffe-toi de Lévy et de Musso, j’ai besoin de personne. Je savais que tu ne le publierais pas, la dernière fois que t’as pris des risques, c’est quand t’as décidé d’emmener ta maitresse au Touquet. Mais je ne regrette pas de te l’avoir envoyé, mon roman, je suis maintenant certain que tu as lu un bon roman cette année.
la certitude