J’ai cru que tu n’aimais pas lire, la vérité c’est que tu n’as pas d’argent

J’ai eu peur cher mon lecteur, j’ai eu vraiment peur… J’ai cru que tu n’aimais pas lire, vraiment pas lire, que tu passais lire les deux premières lignes de chaque texte ici pour savoir de quoi je pouvais encore t’entretenir, t’as cru comprendre que j’essayais encore de te refourguer un truc à lire, que je te parlais d’un projet littéraire ou l’autre, puis t’as passé ton chemin, t’es retourné à des activités normales et ludiques, t’as ouvert une bière, t’as repris ton boulot, t’as cliqué sur youtube, satisfait de t’être tenu au courant de mes dernières activités et rasséréné de savoir que j’étais toujours là, englué dans des projets vaguement trop littéraires dont personne, au fond, ne sait trop rien.

Mais j’ai vraiment cru que tu n’aimais pas lire. Imagine : j’ai reçu un mail avec le relevé de vente(s) de l’ebook de la hyène cette semaine. Tiens-toi bien, prends l’accent de Pirette au home et lis les prochaines phrases en pensant à lui : « sur les six derniers mois, vous avez vendu un exemplaire. » Et là, la caméra zoome et zoome et zoome sur le 1, il devient énorme, il prend toute la place sur ton écran imaginaire et puis l’image bascule et on voit Pirette habillé en vieille femme qui fait une moue de dégout, en très, très gros plan. Evidemment, moi, je t’ai trouvé toutes les excuses du monde de n’avoir acheté qu’un seul exemplaire en 6 mois : c’est sur une tablette, c’est pas pratique à lire en mangeant une Capriciosa; Amazon c’est des voleurs; t’as regardé la vidéo, le teaser (mais pas jusqu’au bout) et ça te paraissait quand même violent, valait mieux pas prendre de risque; t’as senti que j’étais pas encore arrivé à maturité, tu attendras de voir ce qui viendra ensuite. Tout ça je le sais, mais souviens-toi, je l’ai publié en crowdfunding ce bouquin, il y a 50 types qui ont reçu le même mail que moi la semaine passée, des types, des investisseurs qui avaient flairé la bonne affaire, qui s’étaient laissés convaincre par mes arguments solides et qui me demandent des comptes. Imagine, les mecs ils ont investi 100€, 200€, 300€ même, ils attendent un retour sur investissement, ils prévoient une assemblée générale bientôt. Ils me disent déjà : et alors quoi, ils aiment pas lire tes lecteurs ? Pourquoi ils le lisent pas, ce bouquin, tous tes fans sur facebook ?

 

                                                            rapetou

Et depuis l’idée germe : peut-être bien que tu n’aimes pas lire cher mon lecteur et me voilà terrassé, au fond d’un bus étouffant en Albanie, quand la vérité, immense, inéluctable apparait : tu n’aimes pas lire. Tu me lis pour te distraire, d’ailleurs tu suis aussi un musicos qui chante faux et qui y croit dur comme fer, tout ça au fond, ça te rassure, ptet bien que ça te rend heureux même, que ça te permet d’avoir une meilleure estime de toi, elle est pas mal finalement ma vie, tu te dis, par rapport à ces bolosses.

Et moi, je continue de phosphorer dans mon train albanais, je repense à Trois ombres au soleil, à l’éditeur qui n’ose même pas m’envoyer le décompte des ventes, à ces bonnes femmes que j’ai presque suppliées, à genoux, les larmes aux lèvres, après deux jours de foire du livre, de l’autre côté du monde de Liège, par delà les Meuses, pour qu’enfin elles m’achètent un livre, pour qu’enfin je puisse dire à mon voisin de table, regarde, regarde, moi aussi j’ai vendu, moi aussi. Le constat est définitif cher mon lecteur, tu ne l’as pas lu non plus ce premier roman, tu ne l’as pas lu parce que tu n’aimes pas lire !

Et puis je suis revenu d’Albanie, j’ai changé d’appartement et j’en ai eu marre de voir ces caisses de bouquins, mes bouquins, dont tu ne voulais décidément pas alors j’ai lancé, vaguement ivre, un message facebook en disant que j’offrais mes bouquins. Et là, petit sagouin de lecteur que tu es, tu t’es jeté deçu sans demander ton reste, tu t’es jeté sur ces bouquins, en nombre, si enthousiaste, si enjoué.

Putain tu m’as fait peur cher mon lecteur, tu m’as fait flipper ma race. Ce n’est pas que tu n’aimes pas lire, non, ce n’est pas ça du tout, la vérité c’est que tu es pauvre. *Soulagement intense*.

Il fallait me le dire, j’aurais compris, je suis assez empathique en général, je comprends ce genre de choses.

Il me reste encore des exemplaires, si tu veux offrir, relire dans du papier moins âbimé par ton bébé ou par ton chat, demande le. Mais bordel tu m’as fait peur, mon petit pauvre. (clin d’oeil avec les doigts)

 

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