Je n’ai pas gagné de prix littéraire
Dehors, c’est le froid, c’est la révolution, dehors c’est la fin du temps des cerises. Tout évolue en permanence cher mon lecteur. Hier je n’ai pas reçu de prix littéraires. C’est dommage car j’ai appris qu’en général, le Goncourt assure au moins 400.000 ventes et des dizaines de traduction dans le monde. Dans une moindre mesure, le prix Première permet en général l’écoulement de deux ou trois mille exemplaires. Je n’ai pas reçu de prix mais ce n’est pas grave, je ne concourrais pas. Et puis j’ai lu deux citations à ce propos : « les prix littéraires donnent un complexe de supériorité aux jurés et un complexe d’infériorité aux élus » (G. Perros) et « un écrivain qui reçoit un prix littéraire est déshonoré » (Paul Léauthaud). Mais je n’ai pas eu besoin de tout cela, l’éditeur du premier premier roman vient de me contacter pour me dire que tu as été plus d’une centaine à acheter Trois ombres au soleil. Je ne m’en remets pas. Le roman n’est disponible nulle part, dans aucune librairie, dans aucune bibliothèque. Je pensais que l’entièreté des romans que j’allais vendre, ça serait moi-même, seul, au compte goutte, dans l’arrière salle des bistrots, dans les catacombes des églises. Il n’y a pas eu de publicité, ou si peu, en faisant voyager le roman vers une dizaine de blogs. Mais apparemment tu as cherché, dans les tréfonds du web et tu as commandé sur le site de l’éditeur. C’est étrange. Tu me lis. Tu lis Trois ombres au soleil, le premier roman que j’aurai jamais écrit, une partie de moi et pourtant je n’en sais rien et pourtant je ne le ressens pas. Les livres ont leur vie propre, indépendante. On ne devrait jamais récompenser un écrivain, à la limite une de ses oeuvres. Quand Neil Armstrong a marché sur la lune, personne n’a félicité le concepteur de la fusée, quand Louis Armstrong joue un Wonderful World, personne n’acclame l’inventeur de la trompette.
Bon, je te l’annonce comme ça, en fin d’article, pour que seuls les plus courageux soient au courant, je muris un nouveau roman. Je le veux beau, ambitieux, précis et minimal. Je ne sais pas encore tout ce que cela veut dire. Comme le disait Patrick Modiano, c’est la partie la plus agréable de l’écriture, c’est quand tu rêves le rorman. Cela peut prendre quelques mois, tout n’est pas mûr, tout n’est pas définitif et je ne commencerai à écrire que quand je saurai d’où je pars et vers où j’irai. Et où j’écrirai. Mais cela n’a pas d’importance pour toi, car bientôt tu pourras lire un tout nouveau roman.
Big up à toi, qui me lis, qui me regardes, qui achètes les romans et qui pourtant jamais ne t’exprimes, je sais que tu es là, quelque part.