Je signe un premier roman : comment j’ai liquidé toutes les preuves compromettantes

Tu le sais désormais cher mon lecteur, Quand les ânes de la colline sont devenus barbus, sortira bientôt aux éditions diagonale, un éditeur de premiers romans. De premiers romans. Tu l’as bien lu, houais, first novel, primo romano, eerst boek. Du coup, il a fallu un peu arranger la réalité.

Alors on se connait un peu cher mon lecteur, tu le sais qu’il y a Trois ombres au soleil, tu le sais qu’il y a la Hyène. Si tu fais le compte, on est plus près du troisième que du premier. Y a pas d’avance, c’est mathématique. Donc quand on m’a parlé de cette maison d’édition et que j’ai voulu leur soumettre le manuscrit, je leur ai expliqué la vérité, j’avais déjà publié, c’est un fait, c’est historique, c’est ancré dans l’histoire, c’est coulé dans le marbre. Alors j’ai arrangé l’histoire, un peu, ou j’ai regardé la réalité en face, je ne sais pas encore. Mais si vous avez été quelques centaines à lire ces romans, la publicité a été limitée, tu t’es fait discret dans tes commentaires sur le web, si vous êtes des centaines à me suivre sur facebook, combien parmi vous sont des fakes que j’ai soudoyés dans les quartiers de Casablanca ? Et ça a marché, ils (enfin plutôt elles puisque ce sont deux femmes qui s’occupent de la maison d’édition) ont accepté de le lire, ce manuscrit.

Mais désormais je fais partie d’une écurie (pour un seul et unique roman pour le coup), d’une équipe qui a une marque forte et vendeuse : premiers romans. Désormais, si tu me croises encore cher mon lecteur, tu ne me verras vendre qu’un bouquin, un seul, Quand les ânes de la colline sont devenus barbus, mon premier roman officiel. Enfin, à peu près. Et à moins de s’arranger en catimini devant les caticabines, je ne te causerai plus des deux précédents ouvrages.

Mais il m’en restait quelques uns des exemplaires de Trois ombres et de la hyène que je ne pourrai plus te vendre, je n’allais pas les envoyer au pilori, c’est une méthode d’éditeur en manque de feu pour l’hiver ça, il fallait que je leur trouve un foyer, je les ai achetés, payés, fait imprimer, on a saigné des forêts à blanc pour imprimer ces pages. J’ai lancé un appel via les réseaux sociaux, « livres prêts pour adoption, vermifugés et sevrés« . T’as été des dizaines à ouvrir les portes de ton foyer cher mon lecteur, ta générosité fait chaud au coeur, tu ne voulais pas que je les abandonne à la lisière d’une forêt, la terre originelle. Et puis ce qu’il me restait je l’ai déposé au refuge pour bouquins, cachés dans les rues de Bruxelles. J’espère qu’ils ont trouvé preneurs aujourd’hui. Et on est tous gagnants. T’as de quoi lire cher mon lecteur et je me suis débarrassé des dernières preuves compromettantes. Bon, si on te demande, tu dis que tu sais rien.

Bientôt je publie un premier roman.

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