Jeune auteur cherche public
Tous les « artistes » vous le diront, créer : c’est être seul, face à soi-même, face au monde, avec ce besoin de crier à travers un clavier, une corde de guitare, une voix, un pinceau, une pellicule, un crayon. Alors si on décide de partager le résultat, c’est au mieux pour récolter des louanges sur cette interprétation de la « vie », soit pour marchander l’inmarchandable : la futile mais indispensable oeuvre artistique. Et puis alors on découvre quelque chose qu’on n’osait pas espérer quand on se retrouvait seul, le soir, les longues soirées de printemps, face à son oeuvre, ce truc difforme qui vous dépasse, qui vous parait incontrôlable et dont on se dit que, si tout va bien, dans quelques mois, elle aura un code-barres et un prix (Comme une brique de lait. Comme une brosse à chiottes), mais là, soudain, vous êtes face à lui, à quelques mètres, même pas, à une portée de bras, il vous claque la bise, vous le voyez, il vous touche, vous l’apercevez enfin : le public. Votre public.
Et oui, aucun artiste n’est rien sans un public. Même si les meilleurs d’entre nous (ou disons plutôt les plus prétentieux) disent « ne jamais créer pour un public, l’oeuvre se trouvera le public qu’elle mérite ». Il est là, quand même, le public. Et c’est un choc. On l’imaginait forcément moins intellectuel, moins gras, plus velouté, moins vieux, plus grand, plus charnu, moins masculin, plus hésitant, moins superficiel. Il vous parle de votre oeuvre, vous livre son analyse, indigente et désaxée. Avec des mots infâmes et périmés. Mais bon, vous faites bonne figure. C’est votre public. On ne choisit pas vraiment son public.
En attendant, je me cherche un public. Je recueille même le public abandonné en bord de chemin par un artiste tiers. Je ne vous jugerai pas. Vous êtes tous bienvenus. Que vous lisiez Musso ou Orhan Pamuk. Je vous aime déjà. Mon livre coûte 25 €. Achetez. C’est en haut, à droite. Achetez. Je vous aime déjà. Jeune auteur cherche public. Même chauve ou ménauposé.