Le public il te faudra convaincre
J’entends souvent des auteurs parler de leur travail devant des parterres vides, je les vois s’asseoir dans des foires du Livre où personne ne vient les saluer. Ecrire, c’est bien. Être lu, c’est bien aussi. Gagner un peu d’argent avec son travail, c’est toujours bien.
Mais comment faire pour vendre ton travail à des gens ?
1. Passer à la télé tu devras
C’est le B.A.BA. Les passages à la télévision, le petit écran que tout le monde a encore chez soi, ça te rapproche des gens. Que dire alors de la grande messe du 20h ? François De Brigode ou Laurent Delahousse, tout le monde les considère comme des potes, des bons copains avec qui tu pourrais discuter de tout au bistrot du coin. Pourtant, eux, ils ne t’ont jamais vu. C’est ça le pouvoir de la télévision, t’es copain avec des gens qui ne te connaissent pas.
Mise en pratique : j’avais commencé le jour de la sortie du roman par un reportage de plus de 2 minutes dans le JT de la RTBF, à 19h30. Et si tu crois que les gens ne regardent plus la télé et plus le JT, tu te trompes. J’ai reçu des dizaines de témoignages de gens, (tous les âges, toutes les origines, toutes les couches sociales, oui je parle encore de couche sociale) à travers la Wallonie qui étaient surpris de me voir apparaitre soudainement chez eux (oublie pas, ça rapproche de causer de ton bouquin dans le salon des gens). Si tu veux revivre cette expérience, sur ton ordinateur cette fois, fais toi plaisir. Ensuite, j’ai voulu prolonger l’aventure de la télé, mais quand la plupart des gens te conseillent d’y aller crescendo, j’ai fait l’inverse. Je suis passé sur Canal Zoom, diffusé entre Gembloux et Namur. L’émission était diffusée un mercredi entre 14h et 17h. Je pense que tu es plus nombreux à lire ceci qu’à avoir vu l’émission. J’espère au moins avoir convaincu Corine Buron, la présentatrice. Ce n’est pas certain du tout. Et puis on lui a offert le roman à la fin de l’émission. Venge le destin et regarde l’émission si le coeur t’en dit. Il ne reste plus qu’à passer sur une web-TV puis un reportage étudiant et j’aurai fait tout le chemin à l’envers.
2. De tes ambitions littéraires tu parleras
Les grands écrivains parlent souvent avec emphase de leurs personnages, de leur roman et de leurs thèmes. Ces écrivains non-seulement ils écrivent bien, ils te passionnent avec des romans parfois complexes mais en plus ils sont de véritables tribuns. Tu suivras donc des cours d’éloquence pour donner au public l’envie d’acheter tes bouquins. Parce qu’à l’heure des réseaux sociaux, ce qui est beau c’est qu’on se laisse toujours embobiner par un discours tout brillant et fumeux.
Mise en pratique : ce gêne de tribun, je ne l’ai pas. Alors je t’en cause un peu sur ce site, du roman, de ses personnages et de l’écriture. Lors de l’entretien réalisé à la Foire du Livre, je me suis débrouillé même si certains dans le public clairsemé attendaient avec impatience la fin de la discussion pour dévorer le petit-déj offert par la maison d’édition (ils ont un minimum de savoir vivre dans le monde littéraire). La timidité, ça te fait passer n’importe qui pour une crapule renfrognée. Heureusement Patrick Modiano a reçu un prix Nobel et ça, ça laisse entrevoir tous les espoirs possibles.
3. Les anecdotes et les prénoms de tes lectrices tu retiendras
C’est comme s’il n’y avait que des femmes qui lisaient. Regarde, les blogs, les visiteurs des salons, ce sont en majorité des femmes. En très grande majorité. Cette technique est également appelée technique Amélie Nothomb, qui se souvient avec précision de chaque visage et de chaque anecdote qui s’y rapporte. Ca requiert une mémoire d’éléphant, de longs dialogues avec chaque lectrice et puis enfin, des lectrices. Oui, en fait ça requiert surtout des lectrices.
Mise en pratique : mon premier soutien, qui ne soit issu ni de la famille ni des potes que tu soudoies facilement au bistrot, Catherine, me conseille toujours d’arborer mon plus beau sourire. Elle, c’est comme ça qu’elle a été convaincue d’acheter mon roman. Alors depuis, quand je suis assis derrière une table où sont entassés des bouquins à vendre, je souris. Faut dire que c’est une technique que je maitrise vraiment bien. Souvent ça marche. Ou parfois ça effraie, ce sourire.
4. Aux blogs tu feras lire ton roman
C’est une technique marketing assez ancienne. Tu donnes le produit à des bêta-testeurs influents, parce que bien sûr t’as confiance dans le produit, tu l’as produit de A à Z, tu espères qu’il plaira et tu espères qu’après la publication de la chronique, ça convainque l’entourage de ces bêta-testeurs.
Mise en pratique : les critiques reçues sont jusqu’à présent excellentes. Et pourtant, j’ai l’impression que les retombées sont minimes. Les gens pensent-ils que je corrompe les bloggueuses ? Avec de l’argent ? Ca serait mal connaitre la condition d’auteur. Je sais, la corruption est partout mais j’ai rarement vu aussi incorruptible qu’un blog littéraire. Non, je te jure, j’ai essayé.
5. Les profs tu séduiras
Le placement est autrement plus juteux qu’un blog littéraire ou un magzine, même prestigieux. Ce n’est pas aussi flatteur pour l’ego mais ça fait vendre davantage. Imagine, tu plais à un prof qui donne cours de français à une cinquantaine d’élèves et c’est autant de romans vendus. Imagine si le prof est influent et parvient à convaincre ses collègues et qu’en plus il tient un blog littéraire. Le voilà le mécène des temps modernes. Et il ne faut même pas que le mécène soit plein aux as.
Mise en pratique : par hasard j’ai rencontré une professeur de français à la foire du livre. Quelques semaines plus tard ce sont 130 élèves qui ont été obligés de l’acheter et de le lire. Ce marché est juteux. C’est là qu’il va falloir prospecter. Et tant pis si les élèves détestent généralement les romans qui leur sont imposés à l’école. Business is business.
6. Tes amis tu harcèleras
Quel bon ami ne se préoccupe pas de la fibre artistique qui s’exprime en toi ? Tu as créé, de tes propres mains, quelque chose. La moindre des choses qu’un ami peut faire, c’est s’y intéresser une heure ou deux. Et dépenser 16,5 € pour toi, ton bien-être, ton ego et ton moral. Quel ami refuserait de faire ça ? Quel ami ne terminera pas sa lecture par un commentaire élogieux ?
Mise en pratique : certains amis facebook (personne n’est obligé d’être ton ami facebook, ils y ont consenti librement, tant pis pour eux) ou pire, des fans de ta page, n’ont même pas l’air d’être au courant de la sortie de ton roman alors que des inconnus te saluent déjà dans les rues et te demandent des autographes (j’ai du mal à ne pas être harcelé dans le Aldi de mon quartier). Ils n’ont même pas liké tes publications facebook rigolotes en lien avec le roman. On ne peut pas tout accepter de l’ignorance des amis ou des fans. Tu les taggues, tu les informes. Et au pire tu leur envoies un exemplaire dédicacé avec un bulletin de virement. On est ami, quand même. Bordel. « 400 bulletins de virements siouplait. C’est pour mes amis facebook.«
7. Le public tu menaceras
A un moment, si le public ne s’intéresse plus, si le public ne mord plus, si le public n’achète plus, il faut passer à l’étape suivante : menacer. Ca commence par des petits mots à l’intérieur de ton roman, posé sur les étals des librairies. « Tu l’as touché, tu le prends. Et fissa. Le libraire t’observe, discrètement, sans que tu le remarques. Si tu quittes cet endroit sans moi, tu ne maitriseras plus ton destin. » Et puis, étape suivante, ce sont des post-it que tu laisses sur la couverture de ton bouquin « C’est moi que tu regardes de travers comme ça ? Tu m’emmènes ou je demande à tous mes potes du rayon de grimper dans ton sac. T’auras qu’à justifier ça à la caisse. C’est moi ou eux. Décide. Maintenant ! » Enfin, il y a la menace physique directe, dans une foire ou un salon. Tu les poursuis en hurlant comme un forcené
Mise en pratique : technique encore inexploitée. Elle devrait fonctionner. Mais pas deux fois. Après avoir écoulé plusieurs milliers d’exemplaires, il sera probablement temps de déménager. Ce qui est beau c’est qu’il y a 7 milliards d’êtres humains sur terre, on peut tous potentiellement les forcer à acheter. Il suffira de traduire la couverture dans la langue locale. Pas le reste, ça ne vaut pas la peine.
8. Des bons livres tu écriras
Non, en fait, ça, c’est pas obligatoire.