Le scandale de la rémunération d’un auteur
Tout jeune auteur qui se lance dans le grand bain de la littérature, des dédicaces, des interviews, des foires et des salons te dira que, ce qui compte avant tout, c’est d’être lu. Et c’est vrai. Le plus important c’est d’être lu.
Voilà le discours qui permet à tout un secteur de vivre sur le dos des auteurs sans le rémunérer. Enfin si, entre 5 et 10% du prix d’un livre. On parle donc de toucher en moyenne 8% sur un produit qu’on a créé de A à Z.
Tu te souviens de la crise du lait, il y a quelques années ? Les agriculteurs estimaient qu’ils produisaient à perte et manifestaient en répandant leur lait dans les champs. Le lait était vendu aux alentours de 0,7 € le litre demi-écrémé et le producteur touchait 0,3 €. La crise a éclaté parce que les agriculteurs percevaient seulement 42% du prix de vente. Alors bien sûr je ne compare pas, il y a d’autres investissements derrière pour les agriculteurs. Mais comment est-ce possible de toucher 5% sur un produit dont on est l’incubateur, le créateur, le réalisateur, le monteur et le principal délégué marketing ? Alors, pourquoi ne pas faire grève ou repenser tout le système ?
Brûler dans une bibliothèque ou sur un champ de colza son manuscrit, que peu de gens auraient encore lu, n’émeuvra pas grand monde. Par contre je pense que les faiseurs de best-sellers devraient faire sécession, ce sont les seuls à avoir le poids nécessaire pour faire changer les comportements de tout un secteur. Que font encore Marc Lévy, Alexandre Jardin, Nothomb, Anna Gavalda ou Guillaume Musso chez un éditeur ? Voici comme ils devraient s’organiser : publier en indépendant, débaucher une petite dizaine de personnes, chacune dévolue à un rôle spécifique, la présence web, le marketing, l’impression, la diffusion, le design et l’équipe se partagerait alors plus de 60% de droits d’auteur. Je pense que les éditeurs y réfléchiraient à deux fois avant de sous-payer les auteurs qui forment le gros de la troupe. Les faiseurs de best-sellers feraient sécession pour faire encore plus d’argent, après tout c’est leur droit, ils commercialisent leur travail, mais aussi en souvenir du traitement scandaleux des éditeurs à leur égard à leurs débuts et en solidarité de tous les auteurs publiés et sous-payés par les éditeurs (dans un monde où on est souvent seul, d’un bout à l’autre de la grande machinerie).
Parce que paradoxalement un éditeur n’a jamais de problème à entretenir grassement ses figures de proue, par exemple Houellebecq et BHL auraient touché chacun 300.000 € d’à-valoir pour leur dialogue, Ennemis Publics. On n’ose imaginer ce qu’ils touchent et ce qu’ils engrangent comme argent sur le dos des auteurs pour sortir de telles sommes à tour de bras. La technique ? Parler de Culture avec un grand C aux auteurs et avoir des comportements de requins de la finance une fois derrière la machine à billets.
Bien sûr ce texte ne s’adresse pas à mes deux éditrices, keur avec les doigts. Même si 5%, c’est bien trop peu, même pour un primo-écrivain.