Les 5 vies d’un écrivain Mario Bros
Parfois, quand je ne sais plus où j’en suis, quand je nage dans le grand brouillard de la vie, je me figure le monde comme un tour de jeu vidéo où tout est séparé en différents niveaux et où, tous les cinq niveaux, pour franchir un cap notable, il faut défoncer la tête d’un boss, genre Bowser, en le tirant par la queue et en l’envoyant valdinguer au fond d’un volcan. Bien sûr, plus on s’améliore, plus le niveau s’élève et plus ça devient compliqué.
En ce moment, je suis dans le brouillard, donc j’ai hiérarchisé les statuts d’écrivain.
5. Tu écris, tu as beaucoup de projets et tu as publié à compte d’auteur ou en auto-édition
Tu te bats, tu te débats, de supermarchés en foires au boudin, de foires du livre dans des villages que personne savait qu’ils existaient en racolage internet intempestif, tu vends ta came et tu manges le peu d’heures libres qu’il te reste après ton boulot pour écrire, tu écris, écris, écris, c’est ton seul salut. Du coup, tu baises plus beaucoup parce que tu fréquentes plus Emma ton héroïne en papier que Wendy, la voisine du dessus, qui est moins bien roulée mais jamais contraire. « Tu l’auras un jour ce succès, tu l’auras un jour… »
4. Tu écris, tu as beaucoup de projets et tu es publié à compte d’éditeur (mais un tout petit)
Voir point n°5. Sauf que tu touches beaucoup moins d’argent et comme tu ne vends pas grand chose, tu peux toujours te plaindre du travail de ton éditeur, ça soulage bien les fins de mois compliquées de lui gueuler dessus.
3. Tu écris, tu es publié par un éditeur que ta voisine connait et tu passes dans la presse régionale
On ne te reconnait évidemment toujours pas dans la rue mais tes copains collectionnent tes apparitions dans les canards locaux, on parle de toi, on parle de ton bouquin, y en a même quelques exemplaires dans les cinq librairies de la région et puis aussi chez le boucher et le boulanger de ton village. La star du coin, c’est toi.
2. Tu écris, es édité chez des mecs qui se décarcassent, t’as déjà vendu des milliers d’exemplaires et tu passes à la radio et à la télé
T’as des fans un peu partout en Francophonie, si on tape ton nom dans google on voit des vidéos sur différents plateaux, tu es le stade ultime de l’artiste parce que tu ne vends pas assez de bouquins pour pouvoir en vivre mais assez pour qu’on te reconnaisse le statut ultime de l’artiste : quand tu dis que tu es écrivain, personne n’en doute et personne ne te regarde bizarrement.
1. Tu n’écris plus. Tes bouquins se vendent sans que tu les aies écrits, sans même que tu sois passé à la télé.
Je n’ai qu’une question : qu’est-ce tu fous ici ? Tu viens te gausser du maheur des petites gens ? Non ? Vraiment ? Alors tu veux bien leur parler de moi ? Contrairement aux jeux vidéos, une fois que tu as atteint le dernier niveau de l’écrivain, tout est beaucoup plus facile.
Hors compétition parce qu’ils ont les codes pour passer les niveaux :
Tu es auto-édité et tu arrives à en vivre (pour atteindre ce niveau là, c’est haut, haut, droite, droite, croix, triangle, croix, bas, bas, c’est ça ?)
Tu as cinq romans en cours, sept sont déjà terminés, tu as un boulot alimentaire que tu apprécies, tu as une femme épanouie, des enfants qui t’aiment, tu aimes les longs voyages pendant lesquels tu n’écris pas, tu as beaucoup d’amis et tu gagnes 6000 € par mois, tu es donc un mytho ! (je ne veux pas le code)
Et toi, tu en es où cher mon lecteur ?