Pourquoi je ne gagnerai jamais le Goncourt

Le Goncourt fait fantasmer les éditeurs, par les ventes qu’il assure. Et les auteurs promis à la gloire éternelle. Ou au moins à l’assurance de pouvoir vivre pour un temps de leur plume. Mais moi, je ne gagnerai jamais le Goncourt.

  1. Parce que je ne bosse pas pour 10€ – le chèque remis par l’Académie Goncourt au lauréat. Question de respect. Tant qu’à faire, offrez des oranges plutôt les gars.
  2. Parce que je ne suis pas publié chez Gallimard – vainqueur 38 fois dont la dernière fois en 2020, un scandale littéraire sur lequel on peut s’épancher si tu le souhaites, cher mon lecteur.
  3. Parce que je ne suis pas publié chez Acte Sud – vainqueur à 4 reprises sur les dix dernières années.
  4. En fait, parce que je ne suis pas publié du tout.
  5. Parce que je ne suis pas certain que le restaurant Drouant – où se réunit le jury du Goncourt – serve des plats adaptés sans protéine. J’ai lu sur Google un mec qui confirmait en 2014 mes craintes, ce ne sont que des plats réchauffés au micro-ondes.
  6. Parce que le lauréat a en moyenne 41,8 ans. Et ce n’est vraiment pas certain que le 28 octobre 2027 je publie un livre.
  7. Parce que le Goncourt c’est surfait. Moi je ne concours que pour le Femina et les prix remis par un jury populaire, pas par un jury hétéro-cis-genre catholique blanc de 65 ans de moyenne d’âge, carnivore et adepte du pull sur les épaules.
  8. Parce que le CoVid.
  9. Parce que le Kazakhstan, l’Ukraine, Peng Shuai, Zemmour, Bolsonaro, le Yémen, les rêveurs naufragés, les Rohingyas, la 6ème grande extinction.
  10. Parce que la littérature, il faut la sortir de son image d’art réservé aux vieux qui sentent la pisse et la naphtaline, il faut la dépoussiérer et la taguer sur les murs, la littérature. Je postulerai quand le jury sera composé de : Orelsan, Iris de Myttenaere, Baba, le Chinois marrant, Emmanuelle Jary, Jul, EnjoyPhoenix, Haroun, Angèle, BigFlo et Omar Sy ; et quand ça sera remis à la médiathèque de Guéret ou de Dunkerque, et qu’on écrira le nom des livres et les meilleures citations sur les murs des villes.
  11. Parce que je n’habite pas Paris. Et je ne traine pas dans les bars du 6ème arrondissement pour les 5 à 7 où je pourrais faire l’accent belge et démontrer mes – grands – talents du buveur.
  12. Parce qu’il n’y a eu que 3 Belges et aucun d’eux n’était un mangeur de Pastel de Nata, de Bacalhau ou un buveur de Super Bock.
  13. Parce que j’ai déjà eu le prix de la Roquette d’Arles en 2015 et il semblerait qu’on ne puisse pas être récipiendaire des deux prix. Ce n’est en effet jamais arrivé.
  14. Parce que la littérature se joue ailleurs que dans les cénacles de Paris, dans les librairies du monde, au fond des lits, dans les métros, sur un banc, à l’ombre des grandes plages, aux arrêts de bus, dans les salons, sous les ponts. Parce que la littérature on la consacre tous les jours, partout dans le monde. Au fond du cœur des hommes. #formuleBonMarche
Lors de la remise du prix Goncourt au restaurant Drouan en 2019.

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