Quel est le rôle politique de l’écrivain ?

Je me suis posé cette question, peut-être comme toi, cher mon lecteur, en voyant Christine Angot tenter d’enflammer François Fillon, candidat républicain aux élections présidentielles françaises dans une l’Emission politique sur France 2. Je la voyais, avec ses notes, son ton sec et pinçant, tentant d’enflammer le veston de François Fillon, elle le voulait bucher, elle en faisait le procès, rapide, court, maladroit et le condamnait aussitôt.

Elle dira à la fin de son intervention de 7 ou 8 minutes, « C’est pour ça que nous écrivons, c’est parce que c’est trop compliqué de parler avec vous ». Elle a raison. Elle bafouille, elle a le ton saccadé de quelqu’un que la colère étreint tant qu’au moment d’être projetés, les lames de rasoirs écorchent sa propre bouche. Elle se contentera de dire : « Nous sommes des millions à penser comme moi. » Alors est-ce vraiment ça le rôle d’un écrivain, se faire le porte-parole maladroit ?

Patrick Modiano quand il recevait son prix nobel de littérature en 2014 disait : « C’est la première fois que je dois prononcer un discours devant une si nombreuse assemblée et j’en éprouve une certaine appréhension. On serait tenté de croire que pour un écrivain, il est naturel et facile de se livrer à cet exercice. Mais un écrivain – ou tout au moins un romancier – a souvent des rapports difficiles avec la parole. Et si l’on se rappelle cette distinction scolaire entre l’écrit et l’oral, un romancier est plus doué pour l’écrit que pour l’oral. Il a l’habitude de se taire et s’il veut se pénétrer d’une atmosphère, il doit se fondre dans la foule. Il écoute les conversations sans en avoir l’air, et s’il intervient dans celles-ci, c’est toujours pour poser quelques questions discrètes afin de mieux comprendre les femmes et les hommes qui l’entourent. Il a une parole hésitante, à cause de son habitude de raturer ses écrits. Bien sûr, après de multiples ratures, son style peut paraître limpide. Mais quand il prend la parole, il n’a plus la ressource de corriger ses hésitations. »

Regardez Houellebecq. Si le type a un point de vue et une écriture brillante, c’est harassant de l’écouter parler, tenter de terminer une phrase sans en manger la moitié des mots.

En fait rares sont les écrivains tribuns capables de tenir une foule en haleine et les opposants en respect. Et il est étonnant qu’ils aient convié Angot dont le style est lapidaire, tranchant, pratiquement sans nuance, même à l’écrit. Nos écritures ne sont jamais qu’une pâle copie de nos discours. Alors son point d’orgue aura été cette phrase : « Faites-vous un chantage au suicide ? » C’est cinglant mais ça reste sans effet, c’est trop gros, trop visible, trop agressif. Et finalement cette vague de haine dont elle portait l’étendard, s’est ramollie et on avait presque de la peine, au bout de ces 10 minutes, pour François Fillon, interdit de répondre, attaqué et malmené agressivement mais de manière maladroite, cherchant l’uppercut en permanence lors de la pesée. Christine Angot avait trop de haine et elle n’a pas pu s’en tenir à son texte. Mais Christine Angot était-elle le bon choix ? Tous les écrivains sont-ils capables d’un point de vue politique sous prétexte qu’ils ont reçu des prix littéraires et sont lus par des dizaines de milliers de personnes ?

C’est une vaste question. Et en écrivant ces lignes je repense à Camus, à ces textes, éminemment plus politiques et plus brillants – c’est un point de vue – que ceux de Christine Angot. Sa parole était aussi politique. L’écrivain peut – et devrait – être politique dans le sens où il questionne l’ordre établi. Mais à ce jeu, là, la littérature francophone n’a-t-elle personne d’autre que Christine Angot à opposer aux mensonges et manipulations de la politique ?

C’était la question du trimestre. A bientôt pour d’autres aventures cher mon lecteur.

                                                 camus

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