Une semaine en apesanteur, hanté par la mort

La vie est étrange. Et le destin, le hasard, appelez ça comme vous voulez, est toujours surprenant.

Désormais, je tente de voler du temps où je peux pour écrire. La semaine dernière, j’ai pu m’isoler 5 jours dans une maison au centre d’Alcochete, un gros village énergique au bord du fleuve, avec ces bars de plage et ces faux airs bretons. Pour rentabiliser au mieux le peu de temps que je trouve à consacrer à l’écriture, je pars seul, sans téléphone, sans internet, sans radio, sans télévision. Juste un ordinateur qui remplit davantage le rôle de machine à écrire et des livres. Leila Slimani, Henry Miller et Oran Phamuk. Durant cette semaine je voulais aussi manger un soir avec un ami qui habite le village. On avait convenu de se tenir informé en milieu de semaine.

Je dois dire que j’ai vécu cette semaine en apesanteur. J’ai écrit et j’ai lu comme je ne pensais pas que c’était possible. Dans le roman que je lisais cette semaine, Neige de Oran Phamuk, Ka, le personnage principal, retourne en Turquie et au cours des 3 jours qu’il passe dans l’est, une vingtaine de poèmes lui arrivent de nulle part, lui tombent dessus. Il se pose dans un coin, prend son carnet et se met à noter.

Est-ce que j’étais frappé par le même sort sur les rives du Tage ? J’ai écrit 120 pages en 5 jours et lu Neige en entier, 650 pages. Je dévorais le temps, j’avalais les livres, dans un sens ou dans l’autre.

Le soir, je flottais dans les rues vides, encore tièdes et balayées par le vent. Je ne sortais jamais de cette bulle littéraire. J’étais emporté par une vague et je me laissais porter. Et puis le mercredi, je me suis connecté vers 16h pour voir où je retrouvais mon ami le soir même. Dix minutes plus tôt, mon ami m’envoyait un message pour me dire qu’il partait en France, sa soeur venait de mourir le matin même dans un accident de la route. Je me suis retrouvé, seul, dans les rues vides et tièdes, avec la mort, le destin et deux romans qui se construisaient, l’un et l’autre presque malgré moi.

J’étais dévasté pour mon ami. Et cette force du destin a infusé les derniers jours d’écriture, toujours emporté par cette vague littéraire.

Et bizarrement, je ne me suis jamais senti aussi en paix.

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