Existe-t-il deux littératures ?
C’est un débat qui agite à intervalles réguliers les salons, les fils, les librairies, les lecteurs et les auteurs, existe-t-il deux littératures ? Celle de l’élite, celle qui reçoit les prix littéraires de l’automne et puis celle que les gens lisent, que l’on décrit comme des romans de gare, des livres feel-goods ou de la littérature de genre (la fantasy en tête) ? Débat. Débat tout seul.
J’ai de nouveau été interpellé sur la question par une vidéo d’un influenceur livre sur Instagram. Il chouinait parce qu’on déconsidérait toujours les livres que lui aimait, c’est à dire les livres écrits par Melissa Da Costa, Virginie Grimaldi, Laure Manel, Jonas Jonasson, etc. « Non, ce n’est pas moins de la littérature que les prix Goncourt/Renaudot et cie, et j’en ai maaaaaaarre de cette discrimination. » Et cette vidéo est apparue quelques jours seulement après que Short Edition m’ait demandé de leur soumettre un texte feel-good. Short Edition c’est l’éditeur de la littérature courte qui a organisé des concours de micro nouvelles pendant des années et les exploite désormais grâce à des distributeurs d’histoires courtes placés dans les hopitaux, les gares, les bibliothèques, un peu partout en France (et dans le café de Francis Ford Coppola à San Francisco). Short Edition a amassé des milliers de textes, des dizaines de milliers de textes en quelques années et pourtant, ils viennent faire une relance pour récupérer de nouveaux textes à exploiter : le feel good.
Feel Good VS. Littérature
Je dois avouer que je ne suis pas un grand connaisseur de ce type de livre. Le peu que j’en ai consommé, ça m’est tombé des mains. Il faut dire que si j’ai commencé à lire des romans assez tard (23 ans), je suis devenu un lecteur exigeant, le genre de type qui se gargarise de lire des Nobels, des textes âpres et éprouvants. Enfin, je ne suis pas qu’un salaud de lecteur, c’est vrai que j’aime quand il y a du texte, vraiment ce qu’on peut appeler de la littérature. Les intentions de l’auteur (que ça soit feel-good, fantasy, littérature blanche – assez horrible en soi cette désignation – policier, …), peu importe, ce que je demande c’est avant tout un texte. Je lis d’abord pour le plaisir de l’écriture, le travail, l’orfèvrerie, la fluidité. Et le peu de fois où je me suis procuré un roman feel-good, ça m’est complètement tombé des mains. Pas parce que je suis snob (un peu) ou absolument réfractaire aux bons sentiments (un peu), mais parce que c’était écrit à la hache, sans aucune forme de littérature mais avec pour seul objectif des intentions : celle qu’on se sente bien. Pour moi c’est exactement la même chose que d’essayer d’offrir une soirée de Noël chaleureuse juste en faisant beugler Maria Carey ou Georges Michael. Ca passe à côté. Et quand la littérature, le texte, ne vient pas au secours des intentions, ça devient illisible, ça me rend nauséeux et je n’exagère même pas (un peu).
Oui, il existe deux littératures. Une qui est faite par des écrivains et une autre qui est faite par des commerciaux, qui nous vendent du bon sentiment (quand la mode sera de nouveau à l’horror étorisme, ils nous vendront de l’horror érotisme). Parfois, des écrivains font des livres feel-goods et alors ça marche. Peut-être même que ça pourrait recevoir des prix. Au fond, ça n’a aucune importance. Mais cher mon lecteur, inutile de se victimiser, il n’y a pas de kabbales contre les romans « faciles à lire ». C’est juste que ça ne plait pas à tout le monde. Et, de mon point de vue, on peut honnêtement penser que ce ne sont pas des livres à ranger dans la même catégorie que celle des Steinbeck, Sarr, Fante ou Duras. Comme les films Marvels ne recevront jamais de Palme d’or à Cannes ou d’Oscar, parce qu’il n’y a pas d’art. C’est un produit. Il y a donc bien deux littératures, celle qui est de l’art. Et celle qui est un produit.
C’est mon avis, mais c’est quand même autre chose de débattre à plusieurs, alors laisse ton avis.
Dés que je peux cher mon lecteur, je te fais lire ma tentative de texte feel good, tu pourras en dire tout le mal que tu souhaites. Avant de peut-être le retrouver dans un distributeur d’histoires courtes dans la salle d’attente d’un hôpital.